La vie est un long fleuve tranquille - suite 3

Publié le par serge.petitdemange.over-blog.fr

Courant septembre, Thierry GAILLARD, un ami gendarme que j’ai connu lorsque j’étais Chef de secteur dans le domaine de la commercialisation de systèmes d’alarme, m’appelle à mon domicile, me demandant de passer à la brigade.

Il ne me donne pas le motif de cette convocation informelle, mais me conseille fortement de n’en parler à personne, et surtout pas à Mme BAUDET.

Fort intrigué, je me rends à la gendarmerie de LA VALETTE, m’attendant à tout sauf à ce que je vais entendre.

- Nous soupçonnons certains vigiles de la société pour laquelle tu travailles, d’être les complices d’une bande de cambrioleurs qui sévit en zone industrielle (de TOULON/LA FARLEDE).

- Tu es sûr de cela ?

- Quasiment certain.

- Depuis quand as-tu des soupçons ?

- Pas mal de temps.

- Qu’attends-tu de moi ?

- Peux-tu nous fournir la liste des vigiles qui étaient de patrouille de nuit, en remontant le plus loin possible ?

- D’accord.

Je n’informe pas Mme BAUDET dans l’immédiat et vais établir rétrospectivement la liste des équipes de deux vigiles qui sont chargés de la surveillance de nuit de la zone industrielle.

Tu pourras ensuite comparer avec les cambriolages recensés.

- C’est pour ça.

- O.K.

Je te prépare tout ça, et nous nous revoyons ce soir.

- Merci Serge.

La liste établie, je retourne à la gendarmerie.

Si aucun de nos vigiles n’est impliqué dans les cambriolages, personne n’aura eu vent de l’enquête menée.

Dans le cas contraire…

Que chacun assume ses responsabilités.

La corrélation entre ma liste et celle des cambriolages fait apparaître des coïncidences plus que troublantes.

Elle ne laisse guère de doute.

« Il n’y a pas de fumée sans feu », me dit mon ami gendarme.

A 6 heures du matin le samedi 29 septembre 1984, une perquisition est menée au domicile de nos vigiles soupçonnés.

Je souhaite être présent, mais n’y ai pas droit.

J’attends donc dehors, stationné derrière l’estafette bleue.

Mon ami sort de la villa.

« C’est une véritable ’’caverne d’Ali baba’’ là-dedans, entre autres plus de cinq mille bouteilles de Coca-Cola ».

Trois de nos vigiles que Mme BAUDET avait embauchés sont écroués pour vol, complicité de vol, recel, etc.

Voici comment ils procédaient :

Étant chargés de patrouiller, ils connaissaient toutes les entreprises munies du fameux transmetteur téléphonique codé, relié au pupitre de réception de la société.

L’un cassait les ampoules d’éclairage public à l’aide d’une carabine à plomb à air comprimé, afin de créer une zone d’ombre propice.

Les cambrioleurs complices attendaient non loin de là, cassaient portes et vitrines, commettaient leur cambriolage, déclenchant ainsi le système d’alarme.

Les vigiles de patrouille, après avoir cassés les ampoules, se rendaient rapidement à l’opposé de l’endroit visé, afin de justifier le temps mis pour intervenir, après en avoir reçus l’ordre par radio du responsable du pupitre au Siège de la société.

Trouvant la ou les ouvertures de l’entreprise cambriolée béantes, laissées par les premiers malfaiteurs, il ne leur restait plus qu’à se servir dans ce qui restait, car un peu plus ou un peu moins…

Vers 8 h 30 ce samedi matin, après la perquisition, nous nous retrouvons au bureau.

J’appelle Mme BAUDET.

Moment psychologique délicat.

Elle a un mouvement de recul quand, pénétrant dans les locaux de sa société, elle constate la présence des gendarmes, et voit trois des vigiles qu’elle a embauchés, menottes aux poignets.

Informée des événements par les gendarmes, elle est prise de tremblements, fond en larmes et s’enferme dans « notre » bureau.

Quel exemple de maîtrise pour un Chef d’entreprise !

Une chose m’inquiète : la presse ne va pas manquer de s’emparer de cette affaire.

L’incompétence à diriger de Muriel BAUDET risque fort d’avoir des répercussions néfastes sur ma jeune carrière de Directeur du personnel.

M’informant sur le nom de l’officier de gendarmerie chargé de l’enquête, je demande à le rencontrer, ce qui est fait l’après-midi même.

Très compréhensif, il me dit qu’il lui est néanmoins impossible de passer ces délits sous silence.

Il tâchera de minimiser le rapport aux journalistes.

Je passe la journée du dimanche chez le couple BAUDET, anéanti (lui est entrepreneur en bâtiment à TOULON, membre de la Fédération des Jeunes Patrons du Var, proche de la franc-maçonnerie locale…), d’abord pour leur remonter le moral, ensuite pour les informer de mon action.

Ils ne savent que faire pour me remercier.

Je plaisante sur les babouches que M. BAUDET a aux pieds.

Il en possède une deuxième paire, toute neuve, qui vient de lui être offerte par l’un de ses ouvriers marocains.

Nous avons la même pointure.

J’hérite tout naturellement et gentiment d’une jolie paire de babouches en cuir jaune.

Merci, M. BAUDET.

Je les quitte le soir, un peu rassérénés.

Le quotidien VAR-MATIN du mardi 2 octobre 1984 annonce l’affaire.

J’ai mal pour la société.

Nous perdons quelques clients.

C’était à prévoir.

Inévitable.

Nous en conquérons d’autres.

Tout réside dans la manière d’expliquer comment l’affaire s’est déroulée.

Muriel BAUDET ne voit plus que par moi.

Je tiens bien l’équipe.

Chacun sait dorénavant ce qui l’attend au moindre faux pas.

BIQUETTI, épris d’un naturel revanchard suite à son éviction du poste de Directeur du personnel, et à la perte de son exutoire en la personne de ROQUAS, m’interpelle un jour au sein de la société, sans témoin, pour m’affirmer que « le petit adjudant » que je suis (mon grade dans la Marine selon lui) ne peut rien contre son statut de commandant de la Coloniale en retraite.

Je « m’occupe » de lui, lui mettant une pression terrible, notamment exigeant qu’il m’explique d’où vient cette forte odeur « corporelle », chaque fois qu’il est de permanence de nuit…

Il se masturbait.

Etrangement, sa démission pour convenance personnelle apparut quelques jours plus tard sur mon bureau.

Je l’acceptai, avec peut-être un certain empressement…

LA SUITE DEMAIN.

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C
<br /> Bonjour M Petitdemange,<br /> <br /> les choses de la vie m'ont appris 2 choses :<br /> <br /> - 1 - une victime ne veut jamais étouffer l'affaire dont elle a été victime. La victime y pense même tous les jours .<br /> <br /> - 2 - les coupables et magouilleurs ont tous la mémoire courte et sont toujours disposés à jeter l'éponge et aptes à oublier.<br /> <br /> Donc et à priori, sans même connaitre le détail complet de ce que vous avez subi. J'ai un à priori : vous dites VRAI.<br /> <br /> Cordialement<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> C'est exactement mon état d'esprit quasi journalier.<br /> <br /> <br /> Le plus atroce a été la perte de mes enfants.<br /> <br /> <br /> Je vous remercie pour votre intervention.<br /> <br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />
O
<br /> Il est vrai que rester sur sa fin s'avère être quelque peu...déconcertant!^^<br /> J'aimerais quand même avoir une petite précision: Mme BAUDET aurait-elle "hérité" de cette entreprise ? Cela expliquerai-t-il (selon vous) ce manque "d'étoffe" qu'est censé avoir un chef<br /> d'entreprise ?<br /> <br /> <br />
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S
<br /> <br /> Bonjour,<br /> <br /> <br /> Je suis désolé, mais je n'ai pas connaissance de cette information.<br /> <br /> <br /> Je vous remercie toutefois pour votre intervention.<br /> <br /> <br /> Cordialement.<br /> <br /> <br /> <br />